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Tontton Ladji:« Les humoristes étrangers ne sont pas plus talentueux que nous »

Artiste, comédien, humoriste et formateur, Tontton Ladji, à l’état civil Adama Elggi Zongo est très connu du milieu du show-bizz burkinabè. Pourtant, dans l’activité où il excelle le mieux : l’humour, ils sont peu nombreux à jouir d’une grande notoriété au Burkina Faso. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, c’est à cœur ouvert que Tontton Ladji nous parle de son art et des difficultés qui les assaillent.

Comment va Tontton Ladji ?
Tontton Ladji (TL) : Très bien, par la grâce de Dieu.
C’est quoi l’humour selon vous ?
TL : L’humour, c’est un art comme les autres, qui fait rire, qui sensibilise et qui peut amener les gens à changer de comportement.
Est-ce qu’au Burkina Faso, on a des humoristes professionnels ?
TL : Oui, on a des humoristes professionnels au Burkina Faso, mais ils ne sont pas nombreux. L’humoriste professionnel, c’est celui qui est capable de toujours créer et de présenter au public quelque chose de nouveau. Pourtant, il y’a de nombreux humoristes au Burkina qui composent occasionnellement des thèmes inspirés et qui disparaissent après une prestation. Certains également se contentent des blagues pour faire rire les gens. L’humoriste professionnel pourtant, va au delà de cela. Moi, personnellement, je m’inspire toujours de l’actualité pour écrire mes vannes et mes textes ; et derrière ça, il y’a un message que je livre et qui sensibilise.
Alors, s’il est vrai qu’on a des humoristes professionnels au Burkina, pourquoi ils sont ignorés du grand

public ?

Tontton Ladji en prestation lors du FIRO(1)

TL : C’est une situation vraiment déplorable. Mais je vais accuser particulièrement les médias et les promoteurs de spectacle. Concernant les promoteurs de spectacles, je me demande bien s’ils sont promoteurs d’artistes nationaux ou étrangers ou bien s’ils sont promoteurs de spectacles ou promoteur de leur poche. Là où ça ne les arrange pas, ils ne s’y mettent pas. Quand tu les vois se ruer vers un évènement, c’est qu’ils vont en tirer le plus grand profit. Ils ne mettent pas au devant la valorisation des artistes. Et c’est ce qui est dangereux pour la promotion de cet art chez nous.
J’accuse aussi les médias car, c’est à eux aussi d’aider à la promotion de l’humour made in Burkina. Mais je constate que ce n’est pas le cas. Comme vous le savez, il y’a deux grands festivals d’humour organisés au Burkina : le Festival International du Rire et de l’Humour de Ouagadougou (FIRO) et le Wistiti. J’ai travaillé particulièrement avec les organisateurs de FIRO. Et tenez vous bien, pour que la RTB viennent couvrir l’évènement, la Chaîne nous a réclamé la somme de 5 millions de francs CFA. Cette somme là, ce n’est pas du jeu ! La RTB, la chaîne nationale qui ne peut pas soutenir un tel évènement, c’est vraiment dommage. Ailleurs c’est différent. Quand il y’a un évènement comme cela, comme Bonjour 2015 de cette année en Côte d’Ivoire, tout le monde s’y implique et la RTI en premier lieu. Vous verrez que le jour de la diffusion tout le monde est assis devant la télévision pour regarder, à tel point que c’est devenu aujourd’hui un spectacle de renommée internationale. Et c’est ce qui manque énormément chez nous. Si cela ne change pas, nous allons toujours consommer étrangers. Pourtant, je sais qu’on peut mieux faire que ça.
Vous pensez donc que les humoristes burkinabè peuvent rivaliser de talent voire, mieux faire que ces artistes venus d’ailleurs ?
TL : Oui, je dis que ceux qui viennent de l’extérieur ne pas plus talentueux que nous. Je le confirme. Si vous le voulez, invitez-les à monter sur scène avec nous et vous en jugerez vous-mêmes. La plupart du temps, quand on invite un artiste étranger, j’aime suivre son spectacle et j’avoue que je trouve leur prestation très plate. Ce ne sont que des reprises. Il y’a, par exemple, des blagues qu’ils racontent au public, que moi j’ai entendues quand j’avais 15 ans. Les gens rient c’est vrai, mais c’est toujours la même chose. Pourtant aujourd’hui, je ne suis pas prêt à faire un spectacle avec des éléments racontés depuis longtemps. Je lis les journaux, je suis la télévision et je tire des situations que je rends humoristiques. Vous pouvez le vérifier sur les réseaux sociaux comme YouTube et Facebook où je publie régulièrement mes vidéos, faites à mes propres frais. Quand je suis sur scène aussi, je ne fais pas de l’à peu près, je fais plaisir à mon public et beaucoup viennent me le témoigner.
Alors, comment faire pour valoriser l’humour au Burkina et donner aussi la possibilité à ces artistes de déployer leur talent ?
TL : Je dirai tout simplement que chacun doit laisser les intérêts personnels de côté et travailler pour tout le monde. Je parle surtout des promoteurs de spectacles car voyez vous, si un promoteur s’il t’invite aujourd’hui pour son spectacle ou à son festival et que tu refuses parce que le cachet ne te convient pas, sois-en sûr que pour toi c’est fini. Ce n’est plus avec lui encore. Pire, il te mettra les battons dans les roues. Même si d’autres organisateurs t’invitent, il fera tout son possible pour l’empêcher. Et ça, c’est être hypocrite. Un promoteur, c’est celui qui négocie avec les artistes, ce n’est pas aux artistes de venir négocier avec lui! C’est pourquoi, je dis qu’il faut dépasser ses considérations et travailler ensemble pour valoriser cet art qui participe aussi à la promotion de notre culture.
Entretien réalisé par Mohamed Largo